Meule story, épisode 3

Ils ont les idées, ils ont le matos, direction la formation!

Rigo avait prospecté moultement sur la localisation et la formule que nous allions utiliser.
Afin de ne point être trop courtement préparer, nous allions faire une danse en deux mouvements : la formation préparatoire, et la formation “certifiante”.
En effet, nous n’avions, ni Rigo ni moi, approché de deux-roues motorisés en tant que conducteurs et la confiance en nous, lorsque notre vie est potentiellement en jeu, n’est pas quelque chose que l’on surestime : autant être sur-préparé que sous-préparé.

Le lieu serait le circuit Carole, au Nord-Est de Paris, et l’organisme serait le centre de formation Zebra.

Première étape, absolument facultative pour tout le monde, résolument obligatoire pour nous deux : la pré-formation. Cent dix euros et un trajet plus tard, nous voilà avec une pelletée de futurs élèves , environ une quinzaine. La durée de la chose serait de 4h, durant laquelle nous aurons un peu de théorie, puis beaucoup de pratique.

Quelques questions pour une présentation du groupe, et nous nous rendons compte que nous sommes les seuls à prendre cette pré-formation dans l’optique de passer l’attestation 125 : tous les autres sont là pour commencer le permis gros cube dans la foulée. Clairement, les regards varient de “mais qu’est-ce qu’ils foutent là” à “ah ah les blaireaux”. Mais qu’importe : lorsque vient la question “mais pourquoi vous êtes là?”, notre réponse sincère “parce qu’on n’est jamais trop préparés et qu’il n’y a pas besoin d’une grosse cylindrée pour se tuer” calme tout le monde.
Ce tour de questions est aussi l’occasion de se rendre compte que tout le monde n’a pas la densité mentale que Rigo et moi fixons comme “le nécessaire”. En effet, sur une question pas dure : “qui d’entre vous a déjà conduit une moto?”, je ne m’attendais pas à la réponse de cette jeune fille aux cheveux longs “moi, en passager”.
Les yeux du moniteur ont fait un tour sur eux-mêmes – je suis presque certain que la réponse qu’elle aurait dû donner était “pas moi”, mais nous sommes néanmoins passés en salle de théorie.
De là, il nous est expliqué que les motos, ça va va tout droit, que c’est dangereux, et tout un tas de choses que, des années après, je suis bien en peine de me souvenir, sauf la théorie du fonctionnement d’une bécane.

Comme Rigo et moi avions le permis depuis une quinzaine d’années – et tous nos points, moment frime – nous étions déjà largement coutumiers des notions d’embrayage, freinage et accélération, ainsi que le passage des vitesses. Je n’ai, du coup, aucune idée de comment se passe l’approche de ce genre de notions sans ce savoir préalable, mais ça n’est pas le sujet.

On peut aussi se dire que finalement, la moto, c’est comme le vélo. En nombre de roues, oui. Mais le reste, prudence.
En effet, la première règle d’une moto “standard”, 125 ou plus, c’est qu’il y a “une action” par membre. Donc, avoir un bras, une jambe ou plus encore en moins, ça complique sensiblement.

  • La main gauche s’occupe de l’embrayage.
  • La main droite de l’accélération (via la poignée, qui tourne) et du freinage avant (via un levier, comme sur un vélo). Prudence, les habitués du vélo : le levier droit, sur un vélo, c’est le frein arrière, que l’on peut écraser joyeusement. Je vous encourage à oublier cette fâcheuse habitude. Et donc, ça fait non pas une, mais deux actions pour cette main, je sais.
Gauche, ça tourne point. Droit, ça tournoie. Mais vous vous en rendrez vite compte.
  • Le pied droit s’occupe du frein arrière, via un petit levier placé devant le repose-pied droit.
  • Le pied gauche s’occupe du sélecteur de vitesses. Celui-ci n’est pas du tout comme un levier de vitesses de voiture, avec une grille et un sympathique levier. Non non, ici (pour la plupart des motos, vous l’aurez compris : y’a toujours des exceptions), c’est en 1 dimension : haut et bas. Et alors là, chaud devant : de bas en haut, le passage de vitesses s’opère dans cet ordre :
    • Tout en bas : 1ère
    • Au-dessus : point mort (neutre)
    • Au-dessus : 2ème à 6ème.
probleme de vitesse - ZZR-Leclub le Forum
Voici le sélecteur, au-dessus de la chaussure. Ca a l’air de faire mal? Ca fait mal.
Bon, après, s’il y a gamelle, ça ne sera pas le dessus du pied qui sera au coeur des préoccupations de ce conna monsieur.

Très clairement, c’est le sélecteur qui est l’organe le plus déroutant : comment peut-on choisir sans se tromper une vitesse, avec le PIED?
En fait, l’astuce, c’est que le sélecteur est un levier monostable : vous le poussez dans un sens quelconque, et quand vous arrêtez de pousser, il revient “au milieu”, malgré que la vitesse soit engagée.
On appelle ce type de boîte de vitesses “séquentielle” : ça ne fonctionne, en gros, que par des “plus” et des “moins” sur un levier qui revient en position de départ tout seul.
Ce qui est chouette, c’est que contrairement à une boîte manuelle classique, vous ne pouvez pas vous tromper de vitesse : de manière plus ou moins rapide, vous pourrez faire 5è-4è-3è, par exemple, mais pas 5-3 : le levier doit repasser par son point milieu entre deux vitesses.
Enfin, ce fonctionnement explique pourquoi les chaussures de moto sont protégées sur le dessus : sauf la première, toutes les vitesses se passent en poussant le levier vers le haut. Gardez donc cela en tête pour plus tard.

Rigo et moi nous retrouvons donc juchés sur la seule paire de 125 des environs, des YBR 125 noires (voir Meule story épisode 1), et tout le monde sur des MT07, moto de kéké une fois sorti de la moto-école par excellence, avec des performances décoiffantes pour des motos A2 (donc le “jeune permis” motard).

Nouveau coloris Night Fluo pour la Yamaha MT-07 Moto Cage 2016 »  AcidMoto.ch, le site suisse de l'information moto
Ladite MT07. C’est pas trop moche. Bon, OK, ça me plaît.

Contre toute attente, l’acclimatation vient très vite : une action par membre se fait naturellement, le principe de l’embrayage est rigoureusement identique à une voiture, une fois que l’on a répété les gestes deux-trois fois, sincèrement, ça vient étonnamment vite.
Le seul souci, c’est la gestion des vitesses, qui dénote beaucoup par rapport à ce qui nous est connu : le nombre de “1-neutre-accélération au point mort” est grand, mais pas grave; et il faut aussi se méfier à la descente, car contrairement à la voiture où on s’aide souvent du frein moteur pour freiner en descendant de vitesse, faites ça en moto et ça peut faire mal : les moniteurs nous disent de faire raisonnement inverse de la voiture, à savoir “ne pas rétrograder pour atteindre la vitesse adéquate”, mais “avoir atteint la vitesse adéquate pour rétrograder”. Et ces premiers tours de roue vous indiquent que c’est en effet une bonne idée, car bloquer les roues arrive vite et, contrairement à une voiture, vous ne tenez que sur deux roues!

De très bons conseils – mais pas au point de perdre du temps avec les “vrais” mauvais, qui ne sont pas légion – même nous deux, qui ne sommes aucunement des prodiges, nous en sortons bien : preuve que les exercices sont bien dosés et bien expliqués.

Au début, faire patiner l’embrayage et apprendre la gestion de l’équilibre est, à vrai dire, barbant. Mais, pour des personnes comme nous qui n’avons connu que le vélo et la voiture, une fois la première embrayée, même sans accélérer, la sensation est… Unique. Sans effort, on avance! On sent la brise sur la figure, car oui, on ouvre la visière – il fait chaud, là dedans, quand on oublie de respirer par stress – on sent le vent sur les vêtements… Alors qu’on ne va même pas à 10 kilomètre-heure!

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C’est pas loin du tout de la sensation que l’on éprouve quand une fraction de tour d’accélérateur nous emmène plus près de la vitesse du son. Si modestement que ce fût.

En vélo, il est facile d’atteindre cette vitesse, mais il faut pédaler et c’est donc “attendu”. Alors que la passivité présente amplifie les sensations, c’est… Vraiment curieux. Puis on accélère, toujours en première. Bien vite, la deuxième, et là, ça monte! Evidemment, à tour de poignée égal, les MT07 nous croquent, mais personne ne fait la course et, en dépit de la densité de population, tout de passe bien – sauf quand, lors d’un arrêt, une minuscule jeune fille qui paraît toute petite, même sur la petite MT07 perd l’équilibre, tombe à la renverse et fait ce qu’il ne faut JAMAIS faire : essorer la poignée des gaz. Le moteur s’emballe mais, comme cela s’est passé une fois que plus aucune vitesse n’était engagée, à part un coup de rupteur (le mécanisme qui permet d’éviter à un moteur de tourner trop vite), pas de bobo.

Fin de demi-journée après quelques tours aux sensations exceptionnelles, car quand on commence tout juste le deux-roues, 50km/h, ça décoiffe.

Bien loin d’avoir saisi la substantifique moëlle de la moto, nous n’étions plus de parfaits novices : maintenant, restait à passer l’accréditation 125!

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